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Le Ciel dans le Tarot de Marseille

Nous parlons de ciel et non d’arrière-plan quand la carte montre une scène en extérieur. Il faut que dans ce tableau le personnage principal ne tienne pas toute la place et laisse de l’espace pour d’autres éléments placés sur les côtés ou au-dessus de lui. Le ciel dans les arcanes majeures du Tarot de Marseille est blanc. Ce ciel de couleur blanche est en général neutre, il n’a pas de valeur particulière, sinon celle d’ordre pictural qui consiste à mettre en avant ce qui est représenté.

Toutefois quelques arcanes échappent à la loi de l’arrière-plan neutre. Ce sont d’abord les cartes à astres: les arcanes XVII (L’Étoile), XVIII (La Lune) et XVIIII (Le Soleil). Puis c’est le ciel placé au bas de la carte du Pendu (arcane XII). Enfin, ce sont les cartes montrant un intervention divines, c’est à dire les arcanes VI (L’Amoureux), XVI (La Maison Dieu) et XX (Le Jugement). C’est les sens du ciel de ces arcanes majeurs que nous allons examiner.

Clé du Tarot

Les Cieux des Arcanes des Astres

Si ces cartes ne portaient pas de nom, nous serions bien embêtés pour savoir si l’élément important est l’astre ou les personnages en activité placés en-dessous. Car les maîtres-cartiers ont divisé horizontalement l’espace en deux parts égales. La division existe aussi verticalement: les astres sont en aplomb d’une ligne verticale imaginaire scindant aussi la carte en deux moitiés, gauche ,droite égales. Le travail de symétrie est affiné car la représentation de ce qui se passe en-dessous de l’astre est travaillée par l’effet miroir: il y a deux tours et deux chiens sous La Lune, deux enfants sous Le Soleil, les deux bras et les deux cruches de la jeune femme sous L’Étoile.

Le principal rôle de l’astre dans ces lames, est de réunifier l’image et son reflet d’une part, pour que chaque être humain se sente complet et ressente sa plénitude. Ce sont des cartes qui proposent l’équilibre de notre personnalité et de notre vie. Leur second rôle, associé au premier, est de rayonner dans un espace dégagé, et d’éclairer, afin de mieux dispenser leurs forces, leurs vibrations, leurs révélations.

Les cieux dans ces cartes ne sont pas couleur de nuit dans les scènes nocturnes ou azurés. Ils se contentent de mettre en évidence ce que les astres envoient avec générosité sur la terre et sur ceux qui y vivent. Dans les trois cas, les êtres vivants sont nus, donc particulièrement réceptifs.

Le fond blanc provoque le ressenti spontané de celui qui découvre les cartes: celui de l’intensité du rayonnement des astres et celui de la joie exubérante de l’explosion, provoquées par les astres, des gouttes et des pointes des étoiles.

Notez que dans chaque lame, le rayonnement est au moins double. D’où sont intensité et son effet puissant. Le ciel blanc leur donne du volume, de l’épaisseur et de l’importance. Les astres ont l’air de sortir de leurs cartes. Il insiste sur leur générosité et leur prolixité.

Les astres sont en haut du ciel, ils sont là pour propager les forces célestes, de nuit comme de jour. Le Tarot de Marseille nous montre, bien en vue sur la page blanche, la supériorité magiques de la lune, du soleil et des étoiles. Le ciel les contient et les tient en suspens avec respect.

Le Ciel de l’Etoile

L’Arcane XVII se nomme L’Etoile au singulier alors qu’elle montre huit étoiles. On peut considérer que l’étoile centrale, signalée par son double rayonnement, a donné naissance aux sept autres étoiles, dans une explosion lumineuse qui remplit le ciel. C’est la promesse d’un avenir meilleur, l’illumination de notre vie, la révélation de ce qui a été jusque là caché.

L’Étoile occupe tout l’espace dans le ciel. Elle emplit l’air de lumière, comme le font les étoiles au-dessus de notre tête par temps clair, quand le ciel nocturne dégagé semble semé de lumières clignotantes. Au sens figuré, les étoiles de la carte nous guident aussi quand nous sommes dans le noir de l’ignorance, pendant que les forces célestes impalpables dans le blanc du ciel travaillent en secret en union avec elles. Les astres ne sont pas par eux-mêmes une force, ils en sont les récepteurs et les envoyeurs, ils sont le trait d’union entre le ciel et les hommes, comme le messager des dieux ou l’ange. Nous ressentons devant les étoiles dessinées la même impression de féerie que quand nous levons la tête vers la voûte étoilée.

Le blanc du ciel nous aspire vers le haut. Attirés par les étoiles nous montons progressivement et nous nous préparons à passer de l’autre côté, dans le monde épuré qui est derrière le voile blanc. Pour certains ce monde sera le paradis promis par leur religion, pour d’autres ce sera le second plan, avec une vie différente dépouillée d’un corps encombrant, que nous pouvons atteindre avec notre mort, ou de notre vivant, autant de fois que nous le voudrons grâce à la méditation, à condition que nous soyons réceptifs et ouverts aux forces positives qui nous nourrissent spirituellement et nous font grandir.

Ce ciel blanc mystérieux, c’est ce que chaque carte du Tarot nous promet, pas à pas, au cours du chemin de vie tracé par les vingt deux arcanes majeurs. Le Tarot estime que tout homme a en lui, dès sa naissance dans le monde terrestre, les capacités de se hisser plus haut, et le ciel blanc est promis à tous sans distinction. Mais seuls ceux qui auront su exploiter leurs dons et s’en servir comme les degrés d’une échelle arriveront jusqu’en haut. L’Étoile est la représentation des espoirs en suspens dans le ciel et de la promesse de leurs réalisations.

Le Ciel de la Lune

Les gouttes dans l’arcane de La Lune (XVIII) montent dans le ciel, comme aimantées par l’astre, tandis que celles du Soleil descendent. La lune prend mais elle rend sous une autre forme. Dans un premier temps elle aspire toutes les particules émises par la vie sur terre, quelle qu’en soit leur origine, elle exerce le même pouvoir attractif que notre lune qui provoque les marées ou aide les légumes plantés en terre à pousser vers le haut. Son pouvoir attractif est très étendu (les gouttes viennent de tous les points de la terre). La lune du Tarot est une grande nettoyeuse, un filtre efficace.Elle purifie.

Dans un second temps, la lune restitue par son rayonnement ce qu’elle a reçu, sous une forme lavée, épurée. Elle se glisse dans notre sommeil et nous offre à travers nos rêves les clés de notre inconscient et celles des grands mystères. Elle nous initie aux pouvoirs de nos émotions et de notre sixième sens, l’intuition. Elle incite à être réceptif à l’inspiration et à avoir confiance en la réalisation de ses rêves. Le ciel est aussi l’endroit de l’intensité créative, des dons artistiques qui subliment l’homme. L’inspiration est souvent considérée aujourd’hui encore comme quelque chose venue du ciel qui entre en nous.

La carte de La Lune octroie à l’eau autant de place qu’au ciel. L’astre et l’eau sont du même bleu profond. Le lien entre les deux sont les gouttes aspirées. L’eau est profonde, c’est l’aspect insondable de notre inconscient. Le ciel également est profond, il est la révélation, l’endroit où se trouvent les réponses aux mystères d’en-bas. L’homme, symbolisé dans sa dualité par les deux bêtes placées dans le plan intermédiaire, peut profiter de la communication entre les eaux et le ciel, s’il reste authentique et sincère.

La présence de la lune dans notre monde réel se voit la nuit parce qu‘elle se pare de la lumière du soleil, mais la journée elle se cache dans la transparence du ciel. Tandis que la lune du Tarot semble signaler sa présence de jour comme de nuit. Le ciel blanc est un ciel atemporel. La lune y règne et son activité incessante est symbolisée dans l’arcane XVIII par des gouttes joyeuses qui montent ensemble dans une liesse communicative. Le ciel est donc le lieu où les échanges se font dans l’enthousiasme et le bonheur.

Le Ciel du Soleil

Le Soleil (XVIIII) n’agit que dans un sens, contrairement à La Lune. Il est là pour donner. Il impose sa présence, il occupe tout le ciel. On ne peut que l’admirer et le subir. On ne peut pas le regarder en face, son rayonnement puissant brûle les yeux. Sa lumière est si forte qu’elle rend le ciel blanc. On parle alors d’un ciel chauffé à blanc. L’alchimie provoquée par la chaleur rend le ciel encore plus puissant.

Les rayons du Soleil en formes d’épées droites et de dagues à la lames ondulantes inocule tantôt des bienfaits (la chaleur, la lumière qui fait pousser les plantes, celle qui nous éclaire, …) tantôt des méfaits (la sécheresse qui provoque les famines, la déshydratation dont on peut mourir,l’accablement physique…).

N’oublions pas les rayons noirs en forme de longues pointes. Ils sont les innombrables rayons d’une roue qui nous dispensent leurs piqûres.Le ciel est la mécanique éternelle qui tient en suspens le Soleil et lui permet de tourner sur lui-même.

Il est étrange de voir que le cartier a représenté ce qui est issu du le soleil sous forme de gouttes, associant ainsi le feu et l’eau. Le Soleil est de l’énergie pure qui doit se transformer afin que l’homme puisse l’absorber sans se brûler. Cette symbolique est courante, on parle par exemple des larmes de feu.

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Le Ciel du Pendu

D’ordinaire, dans les cartes majeures, le ciel n’a pas de limites vers le haut, on l’imagine dépasser le cadre réservé à la figure et se disperser en particules d’air hors de la carte. Or, dans la carte du Pendu (XII), le ciel est ouvert vers le bas, tandis qu’en haut il est barré par la réunion des feuillages des deux arbres.

Cette inversion vient de ce que le Pendu se présente les pieds en l’air. La mise en scène de cette pendaison est ambiguë. On ne sait plus bien ce qui est le haut et ce qui est le bas. Le haut est barré par ce qui ressemble à un sol herbeux et le bas s’ouvre sur le vide entre deux monticules verts que l’on pourrait prendre pour le feuillage des arbres, si les branches coupées n’indiquaient pas le sens des troncs.

Le ciel est donc en bas comme en haut, et le Pendu par sa position est en connexion avec lui. Le Pendu est proche de ses racines spirituellement. En même temps il n’a plus les pieds sur terre. Il a suspendu momentanément son contact avec la vie terrestre et il s’est placé en position de réceptivité.

La carte montre donc que les forces liées au ciel peuvent descendre à portée de l’homme et qu’il ne faut pas chercher l’élévation en regardant uniquement en haut. Ce que l’être humain a sous ses pieds est aussi fait de particules célestes.

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Les Cieux dans les Scènes d’Interventions Divines

Parlons d’abord de La Maison Dieu (XVI) parce que l’intervention divine se partage la place avec le résultat de son action. Dans un ciel qui tient les deux tiers de la hauteur, une langue de feu surgie de nulle part entre dans une tour et en fait tomber le sommet. Ou bien la tour s’est ouverte, comme le ferait le bouchon d’un flacon, pour recevoir ce panache de flammes. Le haut du ciel contient donc deux éléments à proportions presque égales: le feu et le sommet crénelé de la tour qui bascule. La flamme, qui donne une forme à l’intervention divine, est donc décentré, contrairement aux astres dans les autres cartes. On pourrait voir dans cette flamme la représentation de la foudre qui zèbre nos cieux durant les gros orages.

De même, l’axe vertical des cartes des astres n’existe plus. La seconde manifestation divine, les boules blanches, bleues et rouges qui jaillissent en tous sens, sont également décentrées car la portion de ciel de gauche est quasiment moitié plus étroite que celle de droite. Cette carte est donc le signe d’un déséquilibre. C’est un déséquilibre passager, car la part de ciel la plus grande est du côté du futur, elle laisse la place au devenir, au changement, au renouveau proposé brutalement par le feu purificateur qui détruit tout ce qui est négatif.

Seul le ciel est rempli par les boules, aucune ne passe devant la tour ou ne s’est posée sur le sol. Aucune ne sort de la tour. Ce feu d’artifices n’est pas le fait de la la langue de feu. Il vient du ciel même, qui accompagne à sa façon les effets produits par le feu. Il vient de l’éther, cette couche supérieure de l’air.Le ciel dans cette carte est le lieu des manifestations supérieures des forces célestes. On a l’impression que le travail destructeur de la langue de feu est compensé par l’exubérance joyeuse des boules qui parsèment l’espace. Ces balles sont une pluie propre à éteindre le feu et à permettre aux hommes de réparer les dégâts. Elles sont la promesse optimiste de nouveaux bienfaits.

Dans les cartes de L’Amoureux (VI) et du Jugement (XX), le ciel sert encore de support à des interventions célestes: celle d’un messager (ange ou dieu) et celle du soleil. Le Tarot mêle sans complexe la religion chrétienne et la mythologie gréco-romaine avec l’intervention de Cupidon. Le soleil, entre la carte de l’Amoureux et celle du Jugement, exerce d’autant plus puissamment son action sur les humains que son rayonnement est plus intense et descend plus près de la terre.

Les deux êtres ailés sont surpris en pleine action. Ou plutôt dans un moment où l’action est suspendue: ils sont sur le point de. L’un a placé une flèche sur son arc et il est sur le point de tirer. L’autre tient sa trompette et il est sur le point de l’emboucher. Le ciel contient donc en son sein toutes les actions possibles des forces célestes qu’il se prépare à exercer sur la terre. Les deux êtres ailés dirigent leur regard sur les hommes, ils interviennent intentionnellement pour eux.

Dans la carte du Jugement comme dans les autres, on comprend que le ciel est un lieu impalpable qui se remplit de nos intentions et de la trace de nos actes et pensées. Le ciel totalise imperturbablement. Puis il transforme.. Enfin il décide de rendre ce qu’il a métamorphosé. C’est ce que l’ange va souffler avec sa trompe en direction des hommes et ce que Eros va inoculer avec la piqûre de sa flèche.

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La Direction du Regard Humain

Le ciel est le plan supérieur qui échappe au contrôle de l’homme. Il est la direction qu’aucun des personnages présents dans les cartes ne regarde, sauf peut-être le personnage masculin de la carte du Jugement, bien qu’il ait la tête penchée sur le côté.

Si l’on passe en revue toutes les Arcanes Majeures du Tarot, on verra que seulement deux arcanes montrent des personnages aux visages volontairement tourné vers le ciel: celles du Mat et celle de La Lune. C’est à son regard levé qu’on voit que le Mat n’est pas un «fol» comme c’est écrit sur d’autres cartes de tarots, ou un saltimbanque parcourant éternellement les routes. Le Mat est un homme à la recherche de la sagesse et de l’élévation spirituelle. Il a conscience que l’homme n’est pas seulement terrestre et qu’il participe aussi de ce qui est au-dessus de lui. Dans l’arcane de La lune, les deux chiens (ou chevaux?) nus lèvent la tête vers la lune et ils ont ouvert leur gueule et sorti leur langue pour happer les gouttes avant qu’elles ne montent plus haut. Non seulement ils sont conscients de ce qui se passe pour eux et de la portée des événements, mais en plus ils agissent pour mieux recevoir les dons exceptionnels du ciel.

Si les deux cartes du Mat et de La lune sont tirées à l’envers ou posées en contre, elles sont une mise en garde contre la nocivité des idées chimériques et les prétentions impossibles à réaliser.

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Conclusion

Le blanc des fonds dans les cartes du Tarot de Marseille n’existe pas dans les tarots plus modernes qui l’ont souvent remplacé par un décor très présent. Il donne aux scènes qu’il présente une impression d’inachevé, de simplification sommaire. Mais il est utile pour deux raisons: la raison picturale est la mise en évidence des éléments porteurs de sens qui se détachent visuellement les uns des autres, afin qu’on comprenne mieux le rôle de chacun. La seconde raison est de symboliser l’aspect physiquement et mentalement impalpable pour l’homme des forces invisibles qui se génèrent autour de lui, pour l’équilibre entre toutes les créations de l’Univers. Ces forces deviennent palpables quand ont lieu des manifestations exceptionnelles provoquées soit par la volonté divine, soit par le degré de spiritualité acquise par certains êtres humains.

Le blanc est omniprésent, dans les lames majeures comme dans les lames mineures. Il est le rappel que l’air partout dans notre vie et qu’il s’étend à l’infini. L’air du ciel est le lieu où la plupart des religions placent le paradis où ce qui en tient lieu. C’est l’endroit d’où surgissent les anges et les apparitions voulues par les dieux (comme dans les croyances gréco-romaines dans l’antiquité, avec les présages que le devin lisait dans le ciel). Il est aujourd’hui, avec les progrès techniques, l’espace qu’on va enfin pouvoir explorer autrement que par des pouvoirs chamaniques ou par la méditation.

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Conseil du Jour

Le blanc peut signifier pour vous non pas le grand espace, mais le vide. A vous de le remplir mentalement. Ce sera le même exercice apaisant, propice au lâcher-prise, qu’avec les cahiers remplis de mandalas qu’on colore pour se détendre. Les cieux vides du Tarot de Marseille sont faits pour être remplis mentalement par les couleurs de notre choix et par tout ce qu’on a envie d’y mettre à l’instant où on regarde la carte. Ils nous révèlent clairement notre état psychologique. Et ils sont une invitation à extérioriser notre activité mentale intérieure et nos émotions.